La première fois que j’ai mis les pieds à Ouessant, j’avais 10 ans. Il m’en a fallu presque 20 avant d’y retourner et pourtant la sensation, elle, est restée la même. Ce sentiment de respirer; Respirer une grande bouffée d’air frais au milieu de ce paysage solitaire. La solitude de cette île résonnait pour moi comme une évidence face à la solitude du photographe. La photographie est une pratique individualiste, ces chasseurs d’images tapis dans l’ombre errent, seuls.
Il faisait gris ce jour là, mon moyen format argentique autour du cou, j’ai erré. Erré sur ces chemins perdus dans l’océan. Après Ouessant, c’est l’Amérique! Je me suis sentie petite et pendant quelques heures, coupée de tout. J’ai figé cette solitude embaumée par la brume salée.
Pourquoi utilisons-nous le féminin pour parler de la Nature? Toutes les ressources essentielles à notre développement nous sont fournies par notre mère ; du sang à la nourriture. La Nature nous a donné la vie et nous a nourri comme une mère à son enfant. La Terre respire et grandit tout comme nous, êtres humains. Certaines cultures ont des croyances sur le fait que la Nature a une âme propre.
Why do we speak of Nature as feminine? All essential ressources needed for our development are supplied by mother’s body from blood to food. Nature birthed us and nourished us, like a mother to an infant. The earth breathes and grows just like we, human beings, do. Some cultures embraced the notion that Nature had its own spirit.
In the body of work Exploration, I present specimen I picked during my travels through the realm of dreams. While travelling, I experienced a world in which Nature and Humans are equal and even compliment each other. Exploration is an ode to women and especially to a mother we all share, Mother Nature. Embodiment of Nature, my specimen are displayed in a museum-like cabinet.
Viens plus près, regarde, détaille, respire.
Bis- est une invitation à votre imagination. L’image négative est mystérieuse. L’auteur au début envisage de nombreuses possibilités d’interprétation mais rarement conservé dans sa forme brute. Le négatif est traité dans sa forme d’origine sans intervention, ses défauts et ses failles apparaissent alors… plus rien n’est caché ou atténué. Il suffit juste de se laisser guider par ses émotions. Les procédés que j’ai utilisé sont comme les deux faces d’une seule pièce. La légèreté des anthotypes, éphémère et fragile, délicat comme le souffle. Le collodion sur plaque humide, sombre, mystérieux, appelle à des souvenirs lointains. Les photographies s’affichent en vis à vis et questionnent : Faut il choisir ou s’interroger sur nos ressentis, face à ces deux possibilités ? Le domaine des émotions est une énigme, versatile et volatile, comme les procédés anciens.
Come closer, scrutinize, feel.
Bis- is an invitation for your imagination. The negative image is a mysterious genesis. It is the start of numerous interpretations but, generally, never kept in its original form. I use the essence of the photograph to create unique diptychs. The negative is used without intervention, in its pureness form, complete with its flaws to reveal hidden secrets. Emotions have two faces; in this piece I am encouraging the viewer to live a double experience. The techniques I am using compliment each other. On the one side, the lightness of beetroot anthotypes, ephemeral and fragile, they are as delicate as a breath. On the other side, the darkness of tintypes, enduring and mysterious, they are a call for distant memories. The images are displayed facing each other as through reflected in a mirror and question: Have you ever felt trapped in conflicting emotional states? Should you make a choice in relation to the emotional ambivalence? The realm of emotions is a riddle, changeable and volatile, like ancient photographic processes.
End-of-file est né lors d’une collaboration entre plusieurs artistes de différentes origines suite à la découverte d’un ancien cinéma communiste abandonné à Cluj-Napoca, en Roumanie. Nous nous sommes réunis et nous avons créé une exposition pluridisciplinaire et multiculturelle en Juin 2013.
Mon projet End-of-file mélange photographie numérique et argentique, couleur et noir & blanc, différents formats et matériaux. Cet endroit était voué à disparaître et c’est pourquoi j’ai voulu immortaliser son atmosphère, ses visiteurs et détails cachés.
« End-of-file » was created during a collaboration between many foreign artists about the discovery of an abandoned communist cinema in Cluj-Napoca, Romania. We all gathered and created a multicultural and multidisciplinary exhibition that took place in June 2013 in Cluj-Napoca.
My project « End-of-file » mixes digital and analog photography, as much as it mixes color and black and white, different sizes, formats and materials. This place was meant to disappear, and that’s why I wanted to immortalise its atmosphere, visitors and hidden details.
Il y a trente-six mille ans les Hommes peignaient des bisons, des lions et des chevaux sauvages sur les murs de leurs grottes. Ils les craignaient et la nature dominait. De nos jours, la logique est renversée et le monde sauvage est entre les mains de l’Homme. Roi terrestre, il s’est emparé de la nature et tente de la plier à sa volonté. Dans ce projet, je me libère des contraintes de notre temps pour créer un espace singulier où la nature reprend ses marques face à l’Homme. Regnum Naturæ résonne comme une réponse à chaque intervention humaine destructrice et tombe comme un châtiment divin. Mon travail tend à s’échapper de la réalité et tire son inspiration des différents mythes des Métamorphoses d’Ovide tels que celui de Deucalion et Pyrrha dans lequel l’humanité est punie de sa perversité. À travers l’usage du collodion humide, j’explore la durabilité et l’éphémérité, la lumière et l’obscurité, le réel et l’irréel. La dualité de la photographie est au coeur du travail: un univers surréaliste dans un objet matériel.
Thirty-six thousand years ago cavemen were painting bisons, lions and wild horses on the walls of their caves, they were scared of them and Nature dominated. Today, the logic is reversed and the untamed world is in the hands of Men. Nature has receded and its existence is only tolerated. Considering Nature as a being who lives and fights, I am disengaging myself with our time in order to create an alternative universe in which the notion of power is being rethought. My work tends to escape reality and deeply takes inspiration in different myths from the Metamorphoses of Ovid such as the flood myth of Deucalion and Pyrrha in which Humanity is being punished for its wickedness. Regnum Naturæ then resonates as the outcome of a divine retribution for the damaging acts mankind is inflicting on Earth. Through the technique of wet plate collodion I am looking at what is enduring and ephemeral, at lightness and darkness, the real and the unreal. The duality of photography is at the core of the work: a surreal universe within a real object.
Le regard vide, les yeux perdus dans le temps, les rêveurs n’ont plus conscience d’où ils sont, ni même de qui ils sont. Réflexions philosophiques engagées ou simples questions sur leur repas du soir ? Le rêveur m’intrigue et me passionne. Le bus, c’est le berceau des rêveurs, le bruit du moteur suffit à déclencher leur absence.
À quoi peuvent-ils bien penser ? Je les observe, les guette, et immortalise leurs rêves éveillés sans même qu’ils ne le sachent.
Lost in time and space, with an empty look, dreamers are neither conscious of where they are, nor of who they are. Philosophical thoughts or simple questions about their evening meal? The dreamer intrigues me and fascinates me. The bus is the dreamers’ crib, the engine’s noise cradles them and launches their absence.
What are they thinking about? I observe, watch and immortalize their daydreams without them noticing it.
Les jumeaux ont la chance d’être deux dès la naissance. Ils viennent au monde déjà dotés de ce compagnon idéal que tout le monde recherche, bénis d’un autre qui sera à jamais à ses côtés. Ils forment un couple, excessif peut-être, dont la vocation est un amour éternel. Cet amour fait coïncider l’amour de soi et l’amour de l’autre. Seulement qu’en est-il lorsque la frontière entre les paires s’efface pour ne laisser paraître qu’un semblant d’identité commune?
Ensemble, ils forment une entité autosuffisante de par leur amour réciproque et fort. Si fort qu’il en devient néfaste. L’autre face de l’amour voit alors le jour, la haine. D’être moitiés, ils sont envieux des autres qui eux ne sont qu’un.
Le maître mot est liberté. Comment peut-on être soi-même, être libre lorsqu’on est quotidiennement poussé à la comparaison et renfermé dans le statut de groupe? On devient jumeaux sous le regard des autres, il n’y a pas de règles préétablies. Chaque couple de jumeaux est unique, comme chaque jumeau d’un couple est unique.
Faut-il continuer de vivre en couple dans un enfermement quasi-symbiotique ou s’intégrer comme tout singleton à l’environnement? Un choix doit-il vraiment s’opérer? Après tout, avons-nous réellement envie de passer du «nous» au «je»? Le tout est de ne plus considérer l’autre comme une limite mais comme une opportunité. De prendre sa force dans la dualité.
Twins are lucky to be two since their birth. They come to the world with this ideal companion that everyone’s looking for, blessed by another person who’ll always be at their side. They are a couple, perhaps an excessive one, whose vocation is eternal love. But what happens when the border between the pairs disappears and only a common identity remains ?
Together they are a self-sustaining entity thanks to their reciprocal and strong love. So strong that it becomes harmful. As halves, they envy those who are only one.
Freedom is the keyword. How can you feel free and be yourself, when you’re compared to your twin daily, and considered as a group? We become twins by the judgement of the others. Each couple of twins is unique, as each twin in a couple is unique. Shall we keep on living as a couple in an almost symbiotic confinement? Or shall we integrate the environment as any singleton? Is a choice necessary? After all, do we really want to go from « we » to « I »? The thing is not to consider the other as a limit but as an opportunity. To draw strength from duality.
Ce projet est une réflexion explorée lors de la Biennale Internationale de la Photographie « Images et Croyance » à Liège en 2014.
Il soulève la question du passage de la vie à la mort. Une croyance qui varie beaucoup d’une personne à une autre et dont la reflexion peut apparaître à tout moment.
Un couloir vide, une porte, de la lumière blanche, un voyage ou même une apparition… Voici les réponses que l’ont a pu m’apporter. Pour moi, ce moment X peut être comparé à la fin d’une pellicule. Cette transition serait un monochrome parsemé d’entrées de lumière, la fin d’un film après 36 poses mais aussi le début d’un autre.
Transition is a project which was created for the 9th International Biennial of Photography and Visual Arts « Pixels of paradise, image and belief » in Liège, Belgium. It raises the question of the transition between life and death. A belief that varies a lot from one person to another. An empty corridor, an open door, white light, a journey or even the face of someone coming to take you… Everyone has his own thought about it.
To me, this precise moment can be compared to the end of a film. This transition between one state to another would be a monochrome picture sprinkled with light spots. The end of a 36 exposure film but also and especially the start of a new one.
Famille, nom féminin. (latin familia)
Il faut des années pour construire une famille mais il suffit d’une seconde et d’une seule personne pour la détruire.
J’ai longtemps aperçu la rive, mais emportée dans le tourbillon familial je ne parvenais pas à l’atteindre. Ramenée par le ressasse des vagues de conflits qui n’étaient pas les miens, je suis devenue actrice d’une scène à laquelle je ne voulais même pas être spectatrice. Comment retrouver sa place d’enfant, de fille et de soeur dans cette tourmente familiale?
Family /ˈfamɪli,ˈfam(ə)li/
It takes years to build a family, but it only takes one second and one person to destroy it. For a long time I saw the shore, but carried away in the family whirlwind I could not reach it. Brought back by the rehashing of waves of conflicts that were not mine, I became an actor in a scene that I did not even want to be a spectator. How do you find your place as a child, sister and woman in this family turmoil?
2506,9 kilomètres en autostop à travers l’Europe de l’Est.
Des tracés longilignes, des routes bichromatiques qui traversent nos souvenirs. Face à une étendue étrangère, le pouce levé vers le mobile qui nous fera continuer le chemin. Cette sinuosité comme la partition musicale du voyageur. Avec ces silences qui marquent le temps de l’attente. Et d’un coup, tout devient fou, à 60 miles à l’heure, le vent qui balaie les visages heureux. Les herbes folles qui défilent à 180 degrés. On brûle l’asphalte comme des poètes sous LSD. On emmagasine les instants au ralenti pour fixer sur le film de nos vies le fol étranger et ses yeux de l’ailleurs. On perçoit chez nos compagnons de bitume, les mêmes sillons de la soif, de voir, de ressentir, de tout absorber. Un éveil parsemé d’inconscience. L’inéluctable compréhension de ce monde qui semble ne plus nous échapper. Notre peau qui sent le voyage, qui sue cette liberté insidieuse. C’est un petit vacarme essentiel qui assourdit cette sagesse soporifique de l’immobilisme. Découvrir autre chose que ce l’on est venu chercher, toujours. Avec cette immuable libération qui écrase les peurs. On laisse à l’ivresse, sa bienveillance trouble, celle de nous livrer à l’oubli du quotidien. Et on brûle notre impatience sur le ruban fané de l’Est vers la mer noire, ou aux ténèbres du delta du Danube. Ailleurs et jusqu’à la prochaine attente.
Fred Beveziers
Octobre 2018
C’est le destin et une amie de longue date qui m’ont menée vers les routes d’Amérique du Sud. Pas un mot d’espagnol, pas de billet retour, mais dans mon sac, mon Canon AE-1 et un balluchon de 10 pellicules noir & blanc. Pas une de plus.
Les premiers mois étaient difficiles. Il est dur pour une grande bavarde de ne pas pouvoir s’exprimer par les mots. J’ai donc observé, j’ai appris. C’est par les gestes, les regards, les émotions que je me suis d’abord imprégnée de ce continent.
Là-bas, j’y ai découvert la Pachamama. Je la connaissais déjà bien sûr, on la connaît tous sans le savoir, puisque c’est elle qui nous a mis au monde. La Nature est son propre temple, celui qu’elle nous offre chaque jour. Je l’ai arpenté, j’y ai rencontré des personnes au cœur véritable et au sourire qui se passe de mots.
Pachamama est plus qu’un carnet de voyage, c’est une expérience de vie.
October 2018
Destiny and an old friend led me to the roads of South America. Not a word of Spanish, no return ticket in my bag, but my Canon AE-1 and a pouch with 10 black and white roll films in it. No more, no less.
The first months were difficult. It is hard for a chatty person not to be able to speak with words. I thus observed, I learnt. With gestures, gazes, emotions… I became familiar with the continent.
There, I discovered Pachamama. I knew her already, we all know her unconsciously since she birthed us. Nature is its own temple, the one we all live in. I wandered and met people with genuine heart and a smile worth a thousand words.
Pachamama is more than a travel diary, it is a once-in-a-lifetime experience.