2506,9 kilomètres en autostop à travers l’Europe de l’Est.
Des tracés longilignes, des routes bichromatiques qui traversent nos souvenirs. Face à une étendue étrangère, le pouce levé vers le mobile qui nous fera continuer le chemin. Cette sinuosité comme la partition musicale du voyageur. Avec ces silences qui marquent le temps de l’attente. Et d’un coup, tout devient fou, à 60 miles à l’heure, le vent qui balaie les visages heureux. Les herbes folles qui défilent à 180 degrés. On brûle l’asphalte comme des poètes sous LSD. On emmagasine les instants au ralenti pour fixer sur le film de nos vies le fol étranger et ses yeux de l’ailleurs. On perçoit chez nos compagnons de bitume, les mêmes sillons de la soif, de voir, de ressentir, de tout absorber. Un éveil parsemé d’inconscience. L’inéluctable compréhension de ce monde qui semble ne plus nous échapper. Notre peau qui sent le voyage, qui sue cette liberté insidieuse. C’est un petit vacarme essentiel qui assourdit cette sagesse soporifique de l’immobilisme. Découvrir autre chose que ce l’on est venu chercher, toujours. Avec cette immuable libération qui écrase les peurs. On laisse à l’ivresse, sa bienveillance trouble, celle de nous livrer à l’oubli du quotidien. Et on brûle notre impatience sur le ruban fané de l’Est vers la mer noire, ou aux ténèbres du delta du Danube. Ailleurs et jusqu’à la prochaine attente.
Fred Beveziers
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